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Tout est calme
8 septembre 2005

El Camino de Mapiri

Du dimanche 4 au jeudi 8 Septembre, entre montagnes et forets boliviennes

Mika, un guide francais vivant depuis 2 ans en Bolivie, m'avait briefé. Je refais un rapide inventaire des besoins alimentaires et sanitaires, et l'essentiel me semble la. Cela faisait un petit moment que j'avais envie de faire un trek aventureux et le récit de Mika a fini de me convaincre. Je n'ai pas été jusqu'a pousser la folie de jeter un coup d'oeil sur ses photos qui sont, parait-il, dissuasives. Si l'aspect montagneux du trekking s'avere classique, la selva sera une découverte, sa pluie incessante, ses nuées d'insectes, sa flore hostile...

Quand j'annonce que je pars pour Mapiri, les gens m'envoient regards admiratifs ou sourires moqueurs. Au lieu d'y voir un avertissement, je fais le fier-a-bras (en apparence), mais une legere inquietude m'envahit, vite effacée par mon éternelle insouciance. Le trek se fait généralement en 6 a 7 jours selon les conditions météos. Mais comme je n'ai plus beaucoup de temps, je planifie avec l'agence de marcher un peu plus chaque jour pour parvenir a Mapiri en 5 jours, ce qui ne parait pas insurmontable.

Nous partons donc dimanche matin a 9 heures... euh, finalement, a 16 heures. Il leur aura fallu la journée pour trouver un réchaud, détail qui semblait pourtant avoir été réglé la veille. Tout est fait également pour que je ne puisse pas voir l'état de la tente avant de partir. Il se murmure a voix basse des conversations dans l'agence que je ne parviens pas a comprendre et qui commence a m'échauffer. Je m'assois finalement a l'arriere d'un 4x4 qui nous emmenera a Igenio, village d'ou débute le trek. C'est a ce moment que j'apprends que mon guide a changé. On me l'a fait pas moi! Y'a baleine sous graviers! Je sens que tout ne va pas se passer comme prévu, j'hésite a tout annuler, mais mon désir d'en découdre est trop fort. Je grogne, chonchonne, grommelle... mais reste assis, courbé, sur la banquette latérale du 4x4. Je constate avec philosophie que les chaussures de marche de mon guide sont des sandales en plastique! J'apprendrais plus tard que le guide initialement prévu s'est défilé a la derniere minute. Willy, mon compagnon d'infortune, passait par hasard a l'agence pour saluer ses copains et s'est porté volontaire pour le remplacer. Sans avoir l'opportunité de passer chez lui prendre ses affaires...

Nous arrivons vers 20 heures a Igenio. Contrairement a ce qui était convenu préalablement, le guide n'a pas de lampes et il nous faut en trouver 2 pour marcher dans la nuit noire. Mon ampoule grille au bout de 10 minutes et nous décidons de camper pres du village, la progression s'avérant tres lente et dangereuse. Le premier jour de marche est donc quelque peu amputé, et il nous faudra compenser le retard les jours suivants. En montant la tente, je constate que la fermeture de la moustiquaire est hors d'état d'usage et je fulmine contre le gérant de l'agence sachant que, comme le dit Timsit, les moustiques, ici, ils te piquent pas, ils t'empalent! Mais la nuit n'est qu'étoiles, et je suis heureux d'etre la.

Pour faire court, le programme de nos journées est assez répétitifs. On se leve au lever du jour et on marche 8 a 9 heures, jusqu'au coucher en ne s'accordant que de rares pauses. J'ai pris sur mon dos la tente et les 4 litres d'eau, Willy porte l'essentiel de la nourriture et le réchaud. Nos sacs sont lourds et j'arrive exténué a Tolapampa, lieu de repos des guerriers pour notre deuxieme nuit. A défaut d'ours, je sympathise avec un ane qui s'invite a notre repas. A 3800 metres, la nuit est fraiche, mais je suis équipé : maillot de corps thermique. collant, chaussette, polaire...

Mardi, apres 1 heure de marche, nous quittons la montagne pour plonger dans la foret bolivienne. Plonger est le terme exact, car nous sommes rapidemment trempés jusqu'aux os. Les pieds s'enfoncent jusqu'aux chevilles dans des flaques de boue, les fougeres humides nous raffraichissent. La foret se referme sur nous, les arbres nous enveloppent littéralement et il faut avoir les pieds sur terre pour savoir que le ciel se trouve au dessus de nos tetes! Les lianes comme des amantes hystériques tantot m'enlacent tantot me lacerent le visage.

C'est un vrai parcours de Légionnaires. Nous enjambons des troncs, rampons dans la boue pour passer sous des racines d'arbres, évoluons dans d'étroites tranchées creusant le chemin tortueux. La densité de la vágétation est impressionante, il n'y aucune issue possible autre que de continuer ou faire demi-tour. La pluie rend les pierres glissantes. Pour avoir une idée, aller etreiner vos nouveaux rollers sur une patinoire. Je prends gamelle sur gamelle et, invariablement, Willy, me dit lentement "Cuidado, Amigo!", qui, pour ceux qui ne sont pas hellenistes, veut dire "Attention, l'Ami!". Le cul dans l'eau, les genous meurtris, je supporte difficilement cette recommandation stupide. Je m'apprete donc, tout naturellement, a l'occire, a sauter sur sa cage thoracique jusqu'a lui faire sortir les poumons par la bouche, lui faire avaler sa machette, le donner a manger aux fourmis warriors, lui faire un croque-en-jambe... quand je prends conscience que la vaniteuse subtibilité de l'occidental en mal d'aventures doit lui etre bien étrangere. Je reprends donc cahin-caha, en serrant les dents, ma démarche d'ivrogne, trébuchant, m'affalant de tout mon long régulierement, me rattrappant aux branches, ou non, en chantonnant quelques couplets incomplets des chansons de Brel entendues chez Pete le Végétarien.

Bien entendu, je noircis le tableau. Il est arrivé qu'il s'arrete de pleuvoir pendant des quarts d'heure entiers. Plus sérieusement, malgré la difficulté du parcours, les sens sont en éveil. Nous passons de bosquets en herbes hautes, pour arriver au milieu de fougeres geantes, nous frayant le passage a l'aide de nos bras sans voir nos pieds. Selon le terrain, des senteurs differentes se succédent. J'aimerais etre Grenouille, le heros du Parfum pour en saisir les subtilités, et Suskind pour vous les faire partager.

Les 2 dernieres soirées, a l'Alto Palmar et Buena Vista, sont pluvieuses et nous devons de bonne heure nous réfugier sous la tente. Apres une journée trempée, j'ai hate de me passer des vetements secs et rechigne a remetre mes godasses mouillées. Willy, plus courageux, sous sa bache plastique, nous prérare une soupe et me décrit que ce soir la lune est un frele croissant et qu'il n'y a que 3 étoiles dans le ciel, une grande et deux petites.

La pluie nous a épargné les affres des insectes. Dans la journée, a chaque arret, nous sommes assaillis par les abeilles et les mouches, mais la nuit, les moustiques repectent notre sommeil. Outre l'absence d'ours, la faune s'est faite discrete les 3 premiers jours. Je m'imaginais pourtant des papillons colorés, grands comme des albatros, virevoltant, nous ouvrant le chemin, et d'un battement d'ailes, éventant nos fronts rendus fievreux par l'effort. Au lieu de cela, quelques lépidopteres de faible constitution aux ailes pales... Il faudra attendre le dernier jour de marche, en sortant de la selva et en descendant sur Mapiri, pour voir perdrix, rapaces et petits oiseaux, un serpent, et des papillons grands comme des albatros...

Nous finissons par marcher le long d'un potager abritant de minuscules plants de tomates et nous perdre dans la bananeraie. Encore une petite heure et nous arrivons a Mapiri, un sourire enfantin sur nos visages.

Piero

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Commentaires
H
Salut,<br /> <br /> j'ai lu ton récit sur le trek de mapiri que je souhaiterais faire cet été,<br /> <br /> je dois avouer maintenant que je ne suis plus trés chaud par contre je voudrais savoir si a Sorata il est facile d'organiser un trek ou d'inclure un groupe<br /> <br /> A +
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